Du Samedi 13 octobre 2018 au Samedi 22 décembre 2018.
Artistes :
Elmgreen & Dragset
La galerie Perrotin Paris est heureuse d’annoncer l’ouverture d’une exposition individuelle des dernières créations d’Elmgreen & Dragset, la première organisée à Paris depuis l’installation d’un jour que le duo a montée au Grand Palais à l’automne 2016. Michael Elmgreen et Ingar Dragset travaillent ensemble une large palette de matières depuis plus de vingt ans. Ils créent des sculptures et des installations qui font souvent écho à la première période du land art ou à l’esthétique minimaliste, mais abordent des questions actuelles, sociales et existentielles, en rapport avec l’espace public et les designs du quotidien, et avec la façon dont ceux-ci influencent notre comportement et notre état d’esprit. Leurs nouvelles œuvres sculpturales reflètent là encore l’intérêt constant de ces artistes pour nos interactions avec le contexte spatial.
Dans une nouvelle grande installation au rez-de-chaussée de
la galerie, l’ensemble de la salle paraît avoir avalé toute une
portion de paysage urbain. Les éclats d’asphalte massifs,
brisés, s’empilent tels les débris flottant après le passage d’un
brise-glace arctique, et rappellent à la fois La Mer de glace
(1824) de Caspar David Friedrich et les premiers projets de
land art réalisés par Michael Heizer et Richard Long. Leurs
surfaces planes et sombres sont insérées çà et là parmi les
vestiges d’un mobilier urbain classique – le poteau d’un
panneau de signalisation disparu, le métal tordu qui était
peut-être auparavant un range-vélos. Ces éléments qui
servaient autrefois à limiter et à encourager l’utilisation sociale
de l’espace public ne sont plus là ou sont devenus inutiles.
Que leur est-il arrivé, qui accuser, et qu’advient-il ensuite sont
autant de questions que le visiteur est appelé à examiner.
D’un point de vue strictement formel, cette composition en noir, gris et argent possède une beauté unifiée. Pourtant, il est tout aussi évident que le public serait incommodé s’il devait rencontrer une accumulation similaire – quoique probablement moins propre – de débris dans la rue. À travers les décisions conceptuelles précises des artistes, nous sommes capables, en tant qu’observateurs, de percevoir cette image d’espace public dysfonctionnel d’une façon dangereusement plaisante. L’installation ne se contente pas de soulever des questions sur les espaces publics que nous partageons ; elle s’interroge également sur le cadre même de la galerie, en déplaçant les éléments brisés de la rue pour les présenter dans la grandeur bourgeoise d’une galerie privée.
Le cube blanc contemporain figure très littéralement dans le travail suivant de l’exposition, un panneau de signalisation urbain en acier inoxydable poli, dépourvu d’instruction ou d’avertissement. Intitulée « Adaptation », cette nouvelle série de signalisation miroir réfléchit le contexte spatial : à la place d’un avertissement ou d’une instruction imprimés sur le panneau de signalisation, le visiteur verra son propre reflet dans l’espace. La signalisation de rue est réduite ici à une forme pure qui s’adapte à son environnement, et n’est plus un outil de contrôle et de direction.
Au premier étage, plusieurs fragments rectangulaires
d’asphalte sont exposés, chacun encadré et placé au mur,
tels des tableaux ou des reliefs. On peut y discerner des
traces similaires aux marquages routiers faits à la peinture
blanche. Mais à bien y regarder, il s’avère que ces dessins ne
donnent strictement aucune instruction, ou qu’ils indiquent
des directions irréalistes, voire absurdes. Un cercle apparaît
sur une de ces créations, par exemple, tandis que sur une
autre, deux lignes parallèles amorcent des arcs divergents, ce
qui fait de ces symboles des abstractions géométriques
plutôt que des règles de circulation. En présentant ces
fragments indépendamment les uns des autres, les artistes
attirent l’attention sur certains des aspects visuels les plus
courants des infrastructures publiques, généralement conçus
dans le seul but d’établir l’ordre public, et ils les modifient
avec subtilité.
Dans l’autre salle de ce même étage, les œuvres de trois séries récurrentes trouvent de nouvelles significations tout en manipulant des éléments formels qui figurent dans le répertoire de ces artistes depuis deux décennies. Dans la première salle, un bar ovale avec tabourets et pompes à bière fait écho à Queer Bar/Powerless Structures, Fig. 21, de 1998. Il semble être en réalité l’évocation d’un bar par un designer minimaliste ; ses surfaces d’un blanc immaculé tachetées d’éléments en chrome nous indiquent que cette sculpture géométrique peut avoir une fonction dans le monde réel. L’humour de cette juxtaposition incongrue s’élève jusqu’à l’absurdité lorsque le visiteur se rend compte que les tabourets de bar sont coincés et inaccessibles dans cette boucle fermée, tandis que les pompes ne peuvent être utilisées que de l’extérieur : de ce fait, la configuration rejette la principale raison d’être de la structure.
Cette négation de la raison d’être essentielle des objets du quotidien s’inscrit également au cœur de la série « Powerless Structures », que les artistes ont commencée en 1997, avec l’installation d’un plongeoir dépassant d’une fenêtre avec vue sur la mer au Louisiana, le musée d’art moderne situé à Humlebæk, Danemark. Depuis, les plongeoirs et les piscines figurent parmi les tropes les plus explorés par le duo.
Dans la salle suivante, trois œuvres d’art faites de plongeoirs seront installées verticalement : un plongeoir seul, une paire de plongeoirs suspendus côte à côte et un trio de plongeoirs présentés ensemble. Leur verticalité inhabituelle rend ces objets inutiles, mais surtout, cette orientation inscrit les planches colorées dans la tradition de l’abstraction occidentale. Alors qu’il se tient devant elles, l’esprit du visiteur peut s’égarer vers les toiles rayées de Daniel Buren ou les totems minimalistes d’Anne Truitt. Dans le même temps, l’œuvre faite de deux planches – appartenant à la série « Couples » des artistes – peut rappeler les appariements d’objets quotidiens par Félix González-Torres, notamment ces horloges murales perçues comme symbole d’un couple de même sexe. Ces œuvres ont inspiré plusieurs sculptures à « géométrie doublée » conçues dans un premier temps par Elmgreen & Dragset lorsqu’ils étaient eux-mêmes dans une relation amoureuse et artistique. Le fait qu’ils déroulent cette métaphore en incluant des œuvres à une ou trois planches peut ainsi s’interpréter comme une reconnaissance poignante des nombreux chemins de vie possibles.
Comme avec les plongeoirs, les trois sculptures de piscines à
taille humaine présentées dans la salle suivante peuvent à
première vue rappeler simplement aux visiteurs de la galerie
les précédentes créations à grande échelle qui ont valu à
Elmgreen & Dragset une certaine reconnaissance. Il s’agit
notamment de Van Gogh’s Ear, une structure de près de 10
mètres de haut en forme d’oreille installée au Rockefeller
Center de New York en 2016. On peut également évoquer la
dernière demeure de Monsieur B., le mystérieux collectionneur
que l’on voit flotter sur le ventre dans sa piscine : cette
installation faisait partie de leur exposition pour les pavillons
danois et nordiques de la Biennale de Venise 2009. Malgré
une échelle humaine plus petite, ces œuvres évoquent
magistralement des pensées et des sentiments variés et
parfois contradictoires : des jours tranquilles et du temps
libre au bord de la piscine ou une richesse clinquante et la
volonté de dompter la nature, des lieux où oublier ses soucis
ou des objets à convoiter, du danger ou de la joie.
Les trois sculptures sont immédiatement reconnaissables comme images de piscines, mais leurs formes font également allusion à l’histoire de la sculpture moderniste. Cette capacité à soulever des questions et à invoquer des histoires sans les résoudre est au cœur de toutes les œuvres présentées dans le cadre de cette exposition.
Exposition simultanée :
Elmgreen & Dragset, To Whom It May Concern, automne 2018, Place Vendôme
À l’occasion de la FIAC Hors les Murs, Elmgreen & Dragset présenteront « To Whom It May Concern », une installation inédite, Place Vendôme.
Constituée de cent étoiles de mer échouées sur la place Vendôme, cette œuvre prend le contre-pied des sculptures monumentales traditionnelles. Elle adopte l’horizontalité des sculptures minimales du Land Art en éparpillant sur la place la nuée d’intrus qui la compose.
Selon la légende, les étoiles de mer sont les reflets sous-marins des astres présents dans le ciel. Ces créatures, bien que dépourvues de cerveau, sont capables de se déplacer et de percevoir le monde qui les entoure par leur instinct et leurs réflexes. La vie de ces êtres mystérieux et magiques est, depuis plusieurs décennies, menacée par la pollution environnementale.
La mer semble avoir englouti le centre de Paris, laissant sur la place à son retrait, des étoiles de mer rouges ; un clin d’œil à l’Accord de Paris sur le climat et ses défis. Les cent étoiles de mer nous rappellent non seulement l’urgence de changer le monde actuel, mais symbolisent aussi, par leur capacité à se régénérer et à survivre, même à de graves amputations, l’espoir d’une croissance nouvelle et de changements de mode de vie.
L’installation To Whom It May Concern est acquise par la Collection Dragonfly en amont de sa présentation parisienne, elle sera ensuite réinstallée au Domaine des Etangs à Massignac en Charentes.
La Fiac Hors les Murs Place Vendôme bénéficie du soutien
de Mirabaud.